Dieu a créé l’homme, et pour le remercier, l’homme a inventé Dieu.

Publié le 22 janvier 2025 à 12:05

Avouez que cela a un petit goût de paradoxe, non ? À première vue, cette phrase paraît toute simple : d’un côté, un Créateur qui nous façonne à partir de rien, et de l’autre, un être humain si reconnaissant (ou si inquiet) qu’il s’empresse de renvoyer l’ascenseur en imaginant à son tour une figure divine. On pourrait presque y voir un échange de politesses, mais à l’échelle cosmique !

Pourtant, au-delà de son apparente légèreté, cette formule recèle une vérité troublante : elle dévoile la dualité de l’homme, éternellement partagé entre son aspiration au sacré et sa tendance à tout ramener à lui-même. Puisque lorsque l’homme « invente » Dieu, ne finit-il pas, bien souvent, par le peindre aux couleurs de ses propres peurs, de ses désirs et de son orgueil ?

  1. Deux créations en miroir

D’abord, il y a donc l’acte divin : celui qui aurait insufflé la vie, la conscience, l’âme, bref, tout ce qui nous permet de rire, de pleurer et de philosopher autour d’un café. Ensuite, il y a la réaction humaine : cette envie presque irrépressible de donner un visage à ce mystère, de le nommer, de le définir, et parfois même de le sermonner ! Car, à bien y regarder, le Dieu que l’homme s’invente s’avère souvent être son miroir. Il peut être tout-puissant, aimant, colérique, jaloux, protecteur… parfois tout ça simultanément.

C’est un peu comme si Dieu, dans sa création, nous avait offert la possibilité de le recréer à notre sauce. Plus qu’une simple curiosité, ce mouvement est révélateur : face à l’immensité de l’Univers, l’être humain cherche un repère, un point stable pour calmer ses angoisses. Dieu devient alors tantôt un refuge, tantôt un juge, tantôt un ami invisible, selon les besoins du moment.

  1. Peur et survie : les boulets du divin

N’oublions pas que l’homme est, à la base, un survivant. Dès qu’il a posé le pied sur Terre, il a dû chasser pour se nourrir, fuir (ou combattre) les bêtes sauvages, échapper aux intempéries et, plus tard, se mesurer aux périls du monde civilisé. Bref, sa priorité a longtemps été de rester en vie, ce qui, reconnaissons-le, n’est déjà pas une mince affaire.

Or, cet instinct de survie s’accompagne d’une compagne fidèle : la peur. Peur de ne pas voir le soleil se lever demain, peur de manquer de ressources, peur de la mort, peur de l’inconnu… Ainsi, cette peur, tout en nous protégeant, a aussi tendance à nous rendre méfiants, voire obsessionnels. Nous traçons des frontières, bâtissons des murs, et inventons des dieux pour nous rassurer. Dieu, dans ce cadre, devient le remède à l’angoisse : « Si je me trouve quelqu’un de plus fort que moi, alors tout ira bien. »

Le hic, c’est que cette vision extérieure et parfois figée de la divinité nous coupe souvent d’une expérience plus profonde. Nous cherchons un maître des lieux pour nous protéger, sans réaliser que la clé réside peut-être dans notre propre évolution intérieure.

  1. La conscience : une porte encore verrouillée

Il y a pourtant un trésor enfoui en chacun de nous : la conscience, cette étrange lumière capable d’éclairer nos pensées, nos émotions et même nos peurs. Malheureusement, cette porte de la conscience semble pour beaucoup encore fermée à double tour. Pourquoi ? Parce qu’ouvrir cette porte, c’est oser regarder au-delà de nos réflexes de survie, de nos croyances toutes faites, de nos conditionnements familiaux et culturels, de nos opinions et faux savoir souvent fondés sur l’ignorance.

C’est un exercice qui demande du courage : il faut sortir de l’inconscient qui, tout en étant un puits d’ombres, abrite aussi nos rêves, nos intuitions, et parfois, des ressources insoupçonnées. Sortir l’inconscient de notre vie ne veut pas dire l’ignorer ou le refouler, mais plutôt le transmuter pour en faire un allié. En somme, c’est passer du mode « pilote automatique » à un vol en conscience, où chaque turbulence devient l’occasion d’apprendre et de s’élever.

  1. L’alchimie spirituelle : transmuter l’imparfait en parfait

Cette idée de transmutation est un écho à l’alchimie spirituelle, où le plomb de nos peurs, de nos erreurs, de nos faiblesses est peu à peu transformé en or de sagesse et de lumière. Ce chemin, qu’on pourrait trouver laborieux ou même utopique, est pourtant le cœur de toute quête de vérité. L’être humain ne se contente plus de « survivre » ou d’ « inventer » un Dieu extérieur ; il cherche à incarner progressivement le divin, à l’exprimer dans ses pensées, ses paroles, ses actes.

Cela commence bien sûr par un travail individuel : chacun doit explorer son propre univers intérieur, questionner ses automatismes, nettoyer ses blessures, affronter ses ombres. Un véritable travail de fond, qui peut être long et parfois inconfortable, mais ô combien libérateur. Cependant, cette aventure ne reste pas solitaire, car toute transformation individuelle rejaillit sur le collectif. Lorsqu’une personne s’élève ou réintègre, même de quelques centimètres, elle ouvre la voie à d’autres qui, voyant cette lueur nouvelle, trouvent la force d’avancer à leur tour.

 

  1. Rayonner pour inspirer : notre mission humaine

Ce qui nous amène à un point crucial : rayonner pour inspirer. Il n’est pas question ici de grands discours pompeux ni de vouloir convertir la planète entière à son système de croyances. L’idée, plus humble et plus puissante en même temps, est d’incarner ce que nous découvrons de plus lumineux en nous. Être ce changement que l’on aimerait voir autour de nous, comme le dirait l’autre.

Ainsi, un geste de bonté, un sourire sincère, une parole juste, un moment d’écoute attentive peuvent être de véritables actes sacrés, car ils sont porteurs d’une conscience éveillée. Ce rayonnement discret, presque silencieux, n’en est pas moins irrésistible : il touche ceux qui sont prêts, ou simplement en quête d’une étincelle pour allumer leur propre flamme intérieure.

  1. L’humanité face au mur : un ultimatum ou une invitation ?

Certains diront que l’humanité est dans une impasse, une sorte de répétition infinie de schémas destructeurs. Guerres, pollutions, inégalités… Le tableau semble bien sombre, au point qu’on se demande si l’homme ne scie pas la branche sur laquelle il est assis. Pourtant, un mur n’est pas forcément un cul-de-sac : c’est aussi l’occasion d’apprendre à construire une échelle ou à faire preuve de créativité en le contournant.

Oui, l’évolution paraît lente. Mais, l’histoire nous montre que c’est souvent dans l’épreuve que l’homme trouve la force de se réinventer. Peut-être que ce « mur » est un signe : celui qu’il est temps de changer de paradigme, de passer du mode « survie égoïste » à une vision plus globale, plus consciente.

  1. Œuvrer pour réintégrer le divin

Au final, si nous prenons conscience de nos manques et de notre responsabilité dans ce grand jeu cosmique, il devient presque naturel d’œuvrer à la réintégration du divin en nous. Non pas d’un Dieu qu’on s’invente pour nous rassurer, mais de cette étincelle sacrée, toujours présente, qui ne demande qu’à être ravivée. Cela implique un travail de transmutation de nos ombres, une volonté sincère de rayonner et d’inspirer, sans prétention ni dogmatisme.

Le chemin est long, semé d’embûches, et parfois même déroutant. Pourtant, chaque pas compte. Même s’il nous faut des siècles, voire des millénaires, pour accomplir cette métamorphose, nous pouvons dès aujourd’hui planter des graines de lumière pour les générations futures. Et, si ce parcours, malgré toutes ses difficultés, était un acte d’amour ?

Oui, Dieu a créé l’homme, et pour le remercier, l’homme a inventé Dieu. Mais au-delà de cette pirouette, et si la véritable gratitude consistait à laisser le divin se manifester pleinement en nous ? C’est là, peut-être, la plus belle façon de remercier la Vie… et de nous remercier nous-mêmes.

 

Merci pour vos commentaires et vos partages.

 

Giulio Fioravanti

Chercheur du Divin

 

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